1663 : Face aux Feux du Soleil
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1663 : Face aux Feux du Soleil

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 "La Mort d'un obstiné démultiplié".

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AuteurMessage
Adrien de Chastignac
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Adrien de Chastignac


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Date d'inscription : 04/06/2005

"La Mort d'un obstiné démultiplié". Empty
MessageSujet: "La Mort d'un obstiné démultiplié".   "La Mort d'un obstiné démultiplié". EmptyJeu Déc 22 2005, 16:41

[pour rendre hommage au message d'Olivier... le voici en exclusivité pour vous tous... Muahahahahah ]

Il était dix heures du matin en place de Grève. Un nouveau jour s'était levé sur la capitale. A l'horizon, le Roi des Astres avait déjà entamé son long voyage céleste, et rayonnait à présent de mille feux.

Sur la célèbre place se dressaient deux sinistres échafauds: l'un arborait fièrement un billot, sur l'autre se dressait un gibet. Entre ces deux servants de la Mort, un bûcher attendait patiemment son heure. La foule, toujours avide du spectacle de la Mort, s'était pressée en masse pour assister à cette quadruple exécution.

La veille au soir, quatre prisonniers s'étaient retrouvés dans les geôles de la Bastille, terrible antichambre de la mort. Il n'avaient rien en commun, si ce n'était d'avoir tous attenté d'une façon ou d'une autre à l'autorité du Roi. Et ce matin, les voici qui apparaissaient misérablement groupés sur le tombereau qui les menait au trépas. La foule les hua, les conspua, leur jettant au visage toutes sortes d'immondices.

Qui étaient-ils donc pour avoir mérité pareil châtiment?

Prostré à l'avant de la charette se trouvait un dénommé Lusior, minable assassin condamné au gibet pour divers meurtres, dont celui du curé de Fontainebleau.

A ses côtés, larmoyant et piteux, gisait Alexandre Gérin. Devenu maître de la Bastille après en avoir assassiné l'ancien directeur, son oncle, Marshall Gerin, il était condamné à être décapité.

A genoux dans la masse des détritus, un vieillard psalmodiait inlassablement des paroles inaudibles. Il s'agissait là de Louis Le Bon, fanatique religieux névrosé ayant en tête de renverser la monarchie française pour y établir à la place un impitoyable régime théocratique. Son grand âge et l'amitié que feu le roi Louis XIII lui portait aurait pu commuer sa peine à un exil définitif. Mais malgré les nombreuses mises en garde de ses juges, il ne s'était jamais rétracté, leur déblatérant continuellement un chapelet d'insanités. La décapitation fut donc maintenue.

Enfin, dressé à l'arrière du tombereau, les bras levés vers le ciel, un homme -enfin, plutôt ce qu'il en restait- haranguait la foule. Son discours était ridicule, sa mise loufoque, sa gestuelle désopilante. Il engageait le peuple à se soulever derrière lui, contre le roi, clamant haut et fort que le Languedoc tout entier lui était acquis car il en était le Duc Richard! Son discours se voulait digne des plus grands, mariant le verbe à l'euphase. Mais au final, il était surtout extraordinairement grotesque. Car voilà, cet ersatz de bouffon était autant duc de Languedoc que le noble Prince de Condé était beau! Emile Durdoreil de son vrai nom, connu dans son village sous le sobriquet de "la tête de bois", était un individu saintement fou qui s'était mis en tête, après avoir volé un étalon, de monter à la capitale assassiner le Roi! Malheureusement pour lui, il fut dénoncé par les paysans à qui il avait quémandé l'hospitalité: quelle fâcheuse manie que celle de parler en dormant! Son jugement avait été rondement mené et la sentence était tombée: un séjour sur le bûcher lui ferait le plus grand bien!

Le moment tant attendu arriva enfin. C'était au dénommé Lusior d'ouvrir le bal de la mort. Lorsque la corde fut passée autour de son cou, il ne se débattit même pas: il semblait déjà parti. La trappe s'ouvrit, le corps chuta. A la grande joie de la foule, il était toujours en vie: les vertèbres cervicales avaient tenu bon. C'était fort fâcheux pour lui: son agonie ne faisait que commencer. Lentement, très lentement, cette misérable créature allait étouffer... Là-haut, très haut dans le ciel, le Soleil étincellait comme jamais.

Puis l'on se saisit du dénommé Gerin, qui se mit à pousser des gémissements à peine humains, entre les couinements du pourceau et les vagissements du nouveau-né. Lorsque sa tête fut couchée sur le billot, ses glapissements ne formaient plus qu'une plainte stridente et ininterrompue. Enfin, il fut raccourci et le silence revint. La violence du choc de la hâche avait été telle que la tête, emportée par l'élan de l'arme, roula hors de l'échafaud. Le peuple s'en saisit et s'en amusa quelques instants avant de la déchiqueter. Là-haut, très haut dans le ciel, le Soleil étincellait comme jamais.

Louis Le Bon psalmodiait toujours lorsque l'on vint le chercher. Il fallut le traîner jusqu'à l'estrade tant il était perdu dans ses méditations. Recevoir une tomate pourrie sur la face ne sembla par le déranger outre mesure. Se rendit-il compte de la différence de matière entre son oreiller moelleux et l'âpre billot? A n'en pas douter, cet être là n'avait déjà plus toute sa tête. Le bourreau se chargea avec célérité de la lui supprimer intégralement: le peuple se moquait éperdument de la mort d'une vieille loque, impatient qu'il était d'assister à la confrontation cosmique du "bouffon" et du feu. Là-haut, très haut dans le ciel, le Soleil étincellait comme jamais.


"Tête de bois" sauta de la charrette un large sourire aux lèvres, et s'avança fièrement vers le bûcher sous la clameur grandissante des gloussements de la populace. Il escalada les fagots, tel une parodie de roi grimpant sur un trône de pacotille. Là, il leva les bras, dans un geste qui se voulait royal et se mit à hurler des inepties profondes, pour le plus grand plaisir de la foule. Le bourreau eut tôt fait de les lui lier sur le pilori. Mais même ainsi ligoté, l'illuminé délirait toujours, devant un peuple riant aux éclats. La torche fut allumée. Le monticule s'embrasa dans un crépitement sonore. Une opaque fumée blanche s'éleva lentement, masquant progressivement l'hilarant personnage. Le feu commença alors sa vorace collation. Une intense odeur de chair brûlée emplit la place. Le dément hurlait toujours des mots sans suite. Puis sa voix finit par s'éteindre dans un râle d'outre-tombe. Enfin, le silence retomba. Là-haut, très haut dans le ciel, le Soleil étincellait comme jamais.

A des kilomètres de là, une missive était déposée sur le bureau du roi, lui faisant le compte-rendu des exécutions. Il y jeta un oeil distrait, la jeta au feu, et alla se préparer pour la loterie imminente. Dans l'âtre, l'acte officiel se consuma rapidement, et avec lui le souvenirs de ces misérables créatures.
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